Renforcer la qualité de l’enseignement des sciences et des mathématiques en République centrafricaine : diagnostics, formations et perspectives

Pour réaliser ces diagnostics, plusieurs sources et méthodes ont été mobilisées par Adolphe Adihou et Eugène Oké, membres du Groupe Thématique d’Expertise “Promotion et enseignement des mathématiques et des sciences” : analyse des réponses à un questionnaire adressé aux acteurs éducatifs, étude documentaire des programmes et manuels scolaires en vigueur, entretiens avec des responsables pédagogiques issus d’institutions telles que l’École Normale Supérieure (ENS) et l’Institut National de Recherche et d’Animation Pédagogique (INRAP), ainsi qu’observations directes en classe.
Le bilan dressé a mis en lumière plusieurs défis communs aux disciplines scientifiques. Le manque de personnel qualifié est particulièrement préoccupant. Les établissements visités et les représentants du ministère ont unanimement souligné l’urgence de recruter et de former davantage d’inspecteurs, de conseillers pédagogiques et d’enseignants spécialisés. Ce déficit en ressources humaines s’accompagne de conditions matérielles souvent insuffisantes, marquées par l’absence ou la vétusté des laboratoires, le manque de bibliothèques, l’insuffisance de supports didactiques, et des infrastructures inadaptées. Ces difficultés contribuent à une démotivation croissante des enseignants, liée aussi bien à ces conditions de travail qu’au manque de perspectives claires en matière de formation continue et d’accompagnement professionnel.
Zoom sur les mathématiques : entre théorie, pratique et réalité du terrain
Concernant plus spécifiquement les mathématiques, les données recueillies ont mis en évidence un ensemble de défis qui touchent tant la formation des enseignants que les pratiques pédagogiques elles-mêmes. Dans les institutions de formation initiale, les difficultés se concentrent autour du profil souvent peu spécialisé des formateurs, du manque d’intégration de la didactique des mathématiques dans les curricula, et d’une faible articulation entre théorie et stages pratiques. Sur le terrain, les classes sont souvent surchargées, ce qui complique la mise en œuvre de démarches pédagogiques différenciées. En outre, la formulation des exercices et des évaluations pose problème, notamment lorsqu’il s’agit de les aligner avec l’approche par compétences (APC). Plusieurs domaines des mathématiques, comme la géométrie, l’arithmétique, l’algèbre et les probabilités, apparaissent particulièrement délicats à enseigner pour nombre d’enseignants, faute de formation adéquate et de ressources adaptées.
Des difficultés partagées en sciences physiques et en SVT
Les sciences physiques et les sciences de la vie et de la terre connaissent des difficultés similaires. Si des avancées notables sont à souligner, comme la rédaction récente de nouveaux manuels, leur mise en œuvre reste limitée. Les enseignants ne disposent pas encore de la formation nécessaire pour exploiter ces outils de manière efficace.
Des formations ciblées pour transformer les pratiques
Pour répondre à ces enjeux, les experts du programme APPRENDRE ont conçu et mis en œuvre en avril et mai 2025 des formations ciblées portant sur la didactique des sciences et des mathématiques.
En sciences de la vie et de la terre, une étude approfondie de la structure des nouveaux manuels a permis d’identifier les éléments clés nécessaires à l’élaboration de fiches didactiques efficaces, favorisant la compréhension des élèves. Les participants ont ensuite mis en pratique cette réflexion en concevant eux-mêmes des fiches basées sur ces manuels.




Dans le domaine des mathématiques, la formation s’est articulée autour de la transmission de la démarche d’investigation et d’expérimentation, visant à rendre les apprentissages plus actifs et participatifs. Les formateurs ont accompagné les participants dans l’analyse de situations concrètes issues de la pratique en classe. Ils ont étudié les différentes manières d’aborder une notion mathématique, les étapes suivies par les élèves pour résoudre un problème, les erreurs récurrentes commises, ainsi que les stratégies de remédiation pouvant être mises en œuvre. Cette approche a permis aux participants de mieux comprendre les difficultés des élèves et d’adapter leurs méthodes pour les surmonter efficacement.


À l’issue de ces sessions, les participants ont souligné des acquis concrets, tels qu’une meilleure maîtrise de la préparation des fiches pédagogiques, une compréhension accrue de la structuration d’une séquence didactique, et une capacité renforcée à favoriser la participation active des élèves en classe. Ils ont également apprécié l’accent mis sur l’exploitation des nouveaux manuels, qu’ils considèrent désormais comme un levier essentiel pour l’amélioration des pratiques d’enseignement.
Enfin, les participants ont insisté sur l’importance d’un accompagnement dans la durée. Ils ont exprimé le besoin d’un suivi régulier et d’une offre continue de formation, afin de consolider les acquis, approfondir certaines compétences, et accompagner efficacement la mise en œuvre des changements pédagogiques sur le terrain. Ils se sont également engagés à diffuser les savoirs acquis auprès de leurs collègues, convaincus que la mutualisation des connaissances est indispensable à une transformation durable de l’enseignement des sciences et des mathématiques en RCA.