Le Conseil scientifique du programme APPRENDRE publie une note de synthèse qui éclaire sa position sur l’enseignement explicite. Ce texte collectif en propose une lecture nuancée : il souligne son efficacité pour remédier aux difficultés d’apprentissage, tout en insistant sur l’importance d’une mise en œuvre réfléchie, adaptée aux contextes et aux besoins des élèves.


Le Conseil scientifique est conscient qu’un nombre croissant de pays bénéficiaires du Programme APPRENDRE ont adopté des approches d’enseignement explicite pour surmonter les difficultés scolaires massives, notamment en lecture et en mathématiques, mises en évidence par les évaluations internationales de la CONFEMEN (PASEC).

Les réformes curriculaires récentes mises en œuvre dans de nombreux pays mettent l’accent sur le développement de compétences et de connaissances à travers des approches didactiques contextualisées et porteuses de sens pour les élèves. Elles visent à clarifier les objectifs ainsi que les démarches d’enseignement-apprentissage. Pour accompagner les enseignants, des leçons types et des outils pédagogiques simples d’accès ont été conçus, afin de faciliter l’entrée des élèves dans les apprentissages fondamentaux dès les premières années du primaire. Ces transformations reposent sur des résultats solides issus d’évaluations de grande envergure menées dans le cadre de projets mobilisant l’enseignement explicite à large échelle.

Le Conseil scientifique s’entend sur le fait qu’expliciter à l’école s’impose comme une exigence pédagogique centrale, notamment dans la lutte contre les inégalités scolaires. En effet, cette démarche contribue à rendre visibles les attendus implicites du système éducatif, lesquels demeurent souvent accessibles uniquement aux élèves issus de milieux socialement ou culturellement favorisés. Par l’explicitation, les personnes enseignantes permettent à tous les élèves, quels que soient leurs parcours de socialisation, de mieux comprendre ce qui est attendu d’elles et d’eux. Elle constitue également un levier essentiel pour prévenir les malentendus sociocognitifs, en aidant les élèves à adopter les logiques d’apprentissage propres au monde scolaire. Elle s’avère particulièrement pertinente dans des contextes où la formation des personnels pédagogiques est encore en construction. En outre, l’explicitation participe d’un projet plus large de démocratisation de l’école, dans la mesure où elle rompt avec les pratiques implicites de transmission qui renforcent les inégalités et perpétuent des formes d’exclusion symbolique.

Cependant, le Conseil scientifique croit qu’expliciter ne signifie pas tout dire ni tout dévoiler, mais consiste à éclairer certains aspects déterminants de l’activité scolaire. Il s’agit notamment de clarifier les objectifs visés, les procédures à suivre et les critères de réussite attendus, afin de permettre aux élèves d’engager leur travail de manière autonome et informée. L’explicitation porte également sur le cadre même de l’activité scolaire, c’est-à-dire sur les normes, les rôles et les postures qu’elle implique, souvent perçus autrement par celles et ceux qui ne partagent pas les codes culturels de l’école. Elle engage aussi une attention particulière aux stratégies d’apprentissage que les élèves doivent construire progressivement, et que le personnel enseignant peut rendre visibles sans pour autant réduire l’expérience scolaire à l’application de méthodes, de protocoles ou de formules. Le Conseil souligne l’importance de respecter l’autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants en ne les contraignant pas à appliquer de façon mécanique une seule approche et agir ainsi en technocrate de l’enseignement. En ce sens, il considère qu’expliciter suppose un travail réflexif de la part de la personne enseignante à la fois sur les cadres curriculaires, sur les savoirs à construire, sur les situations d’apprentissage que sur ses propres pratiques. Cela, afin de mieux cerner les obstacles rencontrés par les élèves et, enfin, choisir les méthodes et approches appropriées en fonction des publics, des objectifs et des disciplines.

Ainsi, selon cette interprétation nuancée, le Conseil scientifique est d’avis que les activités du programme APPRENDRE s’inscrivent dans le large paradigme des approches explicites issues tant du behaviorisme, du cognitivisme que du socioconstructivisme.

Les appuis apportés par le programme APPRENDRE dans la formation des formatrices et formateurs, tant sur le plan didactique que pédagogique, s’inscrivent en cohérence avec les principes, démarches et outils de l’enseignement explicite. L’objectif est de réduire les difficultés d’apprentissage des élèves en renforçant les compétences professionnelles des personnels éducatifs dans un large éventail de domaines, afin de développer leur autonomie et leur capacité à adapter l’enseignement aux réalités et besoins de leurs classes. Cette démarche se concrétise notamment par l’observation et l’analyse des pratiques d’enseignement en lien avec les apprentissages des élèves, la mise en œuvre d’approches pédagogiques plus inclusives, le développement de la réflexivité et du travail collaboratif, la promotion d’une culture de l’évaluation, ainsi que l’utilisation des TICES et le renforcement de la didactique de la lecture, des mathématiques et des sciences. Enfin, les outils de formation élaborés conjointement avec les actrices et acteurs nationaux sont systématiquement contextualisés afin de s’inscrire dans les curricula et les choix pédagogiques propres à chaque pays.

 Le Conseil scientifique insiste sur les limites inhérentes à une application exclusive ou rigide. Il souligne des risques contreproductifs possibles tels que la fragmentation des apprentissages et la tendance à privilégier des tâches simples et reproductibles au détriment de l’autonomie cognitive, de la capacité à généraliser, à transférer et à problématiser. Il rappelle l’importance de prioriser les apprentissages profonds, la construction et la mobilisation efficace de savoirs raisonnés, et le développement de la pensée critique des élèves dans des situations complexes. L’enjeu, selon le Conseil, est de concevoir des démarches pédagogiques capables de guider l’élève sans les maintenir dans une posture passive ou exécutive, en favorisant l’activité réflexive, en permettant l’exercice de l’imagination, la compréhension profonde, et le développement de compétences disciplinaires spécifiques et de compétences transversales.

Enfin, les réflexions des membres du Conseil scientifique mettent en lumière une question de fond : celle de la finalité de l’école. Si celle-ci vise l’émancipation intellectuelle et sociale des élèves, et la construction d’une culture commune exigeante, elle ne peut se limiter à la transmission procédurale ni à la restitution immédiate. Elle doit aussi permettre la construction de nouveaux modes de pensée, l’élargissement des horizons culturels et le développement d’une pensée critique. L’enseignement explicite, dès lors qu’il s’intègre à une démarche pédagogique ouverte et diversifiée, peut y contribuer. Mais s’il devient une norme exclusive, il risque au contraire de rétrécir les ambitions éducatives et d’élargir l’écart en les élèves répondant aux normes d’excellences et celles et ceux éprouvant des difficultés et faire des personnes enseignantes de simples exécutantes.

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