Compte-rendu de séminaire : Améliorer et rénover les systèmes d’orientation scolaire en Afrique francophone grâce à l’appui de la recherche

Le 8 novembre 2021, se sont réunis à l’université de Paris, chercheurs et experts afin d’opérer un état des lieux de la recherche sur l’orientation scolaire en Afrique francophone. L’occasion de mettre en avant les contributions actuelles sur ce sujet, illustrant à la fois la diversité et la transversalité des approches.

Laurent Sovet et Emmanuel Wassouo ont ouvert la première partie de cette rencontre en présentant le répertoire des thèses en éducation accessible sur le site du programme. Cet outil numérique recense l’ensemble des thèses soutenues à partir de l’année 2000 portant sur l’éducation de base et secondaire, et ayant comme zone d’étude l’Afrique francophone, Haïti et le Liban.

Ils en ont tout d’abord souligné la richesse en y relevant celles portant sur l’orientation, puis montré que les questions relatives à l’orientation peuvent relever de diverses approches disciplinaires où les sciences de l’éducation, la psychologie, la sociologie et l’économie sont particulièrement représentées.



Répondre à une demande de plus en plus importante


Les discussions ont mis en évidence l’impact des flux grandissants sous le double effet de la croissance démographique et de l’allongement de la scolarité, pour le secteur public d’enseignement et ses responsables. Ceci se traduit par des besoins en enseignants, en locaux scolaires et donc en financements, comme l’a souligné en introduction le professeur Abdelkader Galy, membre du conseil scientifique d’APPRENDRE.

Concomitamment à cette approche quantitative, se posent des questions qualitatives, celle de la qualité des enseignements et avant tout celle de la question du choix des filières de formation à ouvrir, à accompagner, à améliorer, voire à fermer.



Fournir des pistes concrètes pour préparer les jeunes, leurs parents, et la communauté éducative à la transition école-collège


En 2020, APPRENDRE a lancé un appel à projets de recherche en éducation sur la transition école-collège. Le projet  dans lequel Joseph Bomda est impliqué et qui porte, sur l’analyse situationnelle des principaux goulots d’étranglement à la transition école-collège au Cameroun, figure parmi les 9 propositions d’étude sélectionnées par le programme.

Ce séminaire fut l’occasion pour Joseph Bomda de présenter les premiers résultats de sa recherche. Quelques chiffres ont été donnés pour appréhender les problèmes à résoudre :

  • Sur un échantillon de 1294 élèves du secondaire, seul 1.8%a rencontré un conseiller d’orientation lors de la transition école-collège ;
  • Si 30% ont fait leur choix d’eux-mêmes, l’avis des parents a été davantage prégnant (52.3%) comparé à celui des enseignants (6.7%) ;
  • 88% du système éducatif camerounais continue à produire des compétences dont les entreprises n’ont pas besoin
  • la fonction publique reste le secteur d’emploi « le plus préféré des deux tiers des jeunes en quête de travail » (Boudarbat & Ndjaba, 2018, p.81). Pourtant, elle emploie tout au plus 5% d’actifs.

Il apparaît alors nécessaire de construire les compétences à s’orienter lors de la transition école-collège, afin de limiter les orientations scolaires par stéréotypie professionnelle, par suivisme ou des suites des injonctions parentales et/ou enseignantes peu avisées de la diversité des activités professionnelles, de l’environnement socioéconomique et des sections d’études. L’enjeu sera également de développer la capacité de réflexion sur soi et sur le développement personnel des bénéficiaires.

Le rapport finalisé de Joseph Bomda comprendra un référentiel de compétences à s’orienter pour les élèves d’une part, et, d’autre part, un référentiel des compétences à orienter pour leurs encadreurs (parents et instituteurs). Des guides pédagogiques et méthodologiques, ainsi qu’une stratégie politique pour implanter ces compétences, seront également présentés.



Les pratiques éducatives parentales en Afrique francophone : un sujet encore peu exploré


Ayoko Akouavi Dogbe Foli, docteure en psychologie du développement, et Kimberley Brioux, maître de conférences en psychologie du développement à l’Université Catholique de l’Ouest (France), ont quant à elles, focalisé leur intervention sur le rôle des parents dans la co-construction des parcours d’orientation des jeunes.

La présentation a mis en évidence que le sujet, qui a particulièrement été étudié dans les pays occidentaux, a bien souvent été analysé à partir de la qualité des relations et des interactions parents-adolescents. Pour ces deux chercheures, il est cependant préférable, dans les interventions, d’identifier des comportements sur lesquels travailler plutôt que de travailler sur la qualité relationnelle.

Prenant l’exemple du contexte togolais, elles s’interrogent sur les postures et les pratiques parentales, en s’appuyant sur une revue de la littérature et sur les premiers résultats d’une étude qualitative menée auprès de collégiens togolais. Cette étude comprend des entretiens de 20-30mn auprès de 24 adolescents âgés de 12 à 20 ans. Ayant recours à plusieurs exemples, elles ont montré que les jeunes togolais ne s’orientent pas, mais sont plutôt orientés, voire contraints. Les chercheuses s’interrogent : “L’orientation peut-elle remplir sa fonction psychologique lorsqu’elle est contrainte ?”. Certains cas montrent qu’un choix contraint peut mener à des difficultés scolaires, puis à une sortie précoce de la scolarité.


Lors du séminaire, elles ont mis en lumière des pistes d’actions à mettre en place par les services d’orientation :

  • Travailler sur les compétences à s’orienter chez les jeunes ; 
  • Proposer des séances de sensibilisation des parents sur les principes de l’orientation ;
  • Développer des ateliers destinés aux parents : Comment le couple parents-conseillers peut accompagner l’orientation des jeunes ?


L’orientation scolaire : multiplier les approches pour améliorer sa qualité


En guise de conclusion, Jean-Pierre Chevalier, Professeur émérite, et vice-président du conseil scientifique d’APPRENDRE, a noté qu’observer le processus d’orientation du point de vue des aspirations des élèves et de leurs parents nécessite de “prendre en compte un fond, un cadre, une perspective et un passage”. 


“Le fond, c’est l’univers mental des jeunes, leurs aspirations, telles celles de la jeune fille du Togo qui rêve de devenir mannequin dont le cas a été détaillé par le travail d’Ayoko Akouavi Dogbe Foli et Kimberley Brioux. C’est aussi le suivisme entre pairs cité par Joseph Bonda. Et puis accéder au collège c’est, dans le parcours de la jeunesse, franchir la dernière étape de l’adolescence.

Le cadre, ce sont les rapports parents/enfants, visiblement la perspective du métier de mannequin ne plaît guère au père de cette jeune collégienne. Ainsi les aspirations des jeunes entrent en dialogue, en réponse, voire en opposition, aux attentes des parents.

La perspective, c’est bien sûr le marché du travail, mais pas seulement. Le marché du travail, les emplois formels ou informels tels qu’ils sont et tels que l’on pense qu’ils seront, mais aussi plus largement le statut social, en particulier le statut genré des métiers ou des non-métiers pour les filles. 


Le passage, c’est l’offre de formation accessible, accessible géographiquement, accessible financièrement par la famille, accessible par l’élève au vu de ses résultats scolaires et avec l’ajustement éventuel des aspirations en fonction de ce qu’on estime de ses potentialités. C’est ici en effet qu’en face se place la gestion des flux par les institutions.”

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