Voir ou revoir en replay le webinaire « Comment passer de l’évaluation des enseignants à l’action ? »

Premier webinaire d’une série, l’événement, qui s’est tenu le 6 juillet 2021, visait à partager les résultats du PASEC2019 pour permettre aux enseignants de se les approprier, mais aussi pour envisager comment impulser du changement, à partir des observations soulevées par l’évaluation.


Animé par Bruno Curvale, coordinateur du GTE 7  » Suivi – évaluation des enseignements -apprentissages », le webinaire avait pour objectif de formuler des pistes de réflexion sur les différentes manières de tirer le meilleur parti des résultats de l’enquête PASE2019, afin d’améliorer la formation et l’encadrement pédagogique des enseignants.


Connaissances, compétences et perceptions des enseignants 


Hilaire Hounkpodoté, coordonnateur du PASEC, a présenté les résultats de l’enquête PASEC2019 en s’attardant sur le volet qui concerne le niveau des enseignants des écoles élémentaires. Fait inédit, pour cette édition 2019, l’enquête a été élargie à une mesure des connaissances didactiques des enseignants.  
 

En termes de connaissances des contenus enseignés et de compétences, les données collectées décrivent une situation globale satisfaisante. Toutefois, on observe des difficultés au plan didactique. Les enseignants peinent à prendre du recul et à poser un regard critique sur leurs pratiques, à communiquer des objectifs d’enseignement clairs ou encore à tenir compte des difficultés des élèves, pour réorienter leurs choix pédagogiques.  



3 pistes de réflexion pour agir en faveur d’une meilleure formation des enseignants 


Le Dr Guy Roger Kaba, coordonnateur de l’Observatoire de la Qualité de l’Éducation de la CONFEMEN a formulé trois recommandations pour améliorer la qualité de la formation : 

  • impliquer les enseignants expérimentés dans les dispositifs de formation  

Le PASEC2019 montre que l’expérience influence positivement les performances en compréhension de l’écrit et en mathématiques. On pourrait alors imaginer un système de formation qui impliquerait davantage les enseignants chevronnés.  

  • rehausser le niveau académique d’entrée en formation  

L’Afrique subsaharienne, marquée par un dynamisme démographique important en matière de scolarisation, connaît des niveaux de qualification très variables pour accéder au métier d’enseignant. Un rehaussement du niveau de diplôme requis pour enseigner au primaire permettrait-il d’améliorer la qualité de l’éducation ? C’est en tout cas ce que suggèrent les études du PASEC, qui mettent en lumière la forte corrélation entre le niveau académique des enseignants, et leur taux de réussite en mathématiques et en compréhension de l’écrit.  
 

  • promouvoir une culture d’assurance qualité des formations initiale et continue 

Le Dr Kaba a également insisté sur la nécessité de faire de l’assurance qualité une priorité. Cette suggestion a été étayée par un constat qui en surprendra plus d’un : les écarts entre les scores des enseignants ayant bénéficié d’une formation, qu’elle soit initiale ou continue, et ceux n’ayant pas été formés, ne sont pas significatifs.  



Quel est l’impact des résultats sur les enseignants ? 


La professeur Afsata Paré/Kaboré a informé, réfléchi et avancé sur le sujet en revenant tout d’abord sur les définitions de la thématique. Qu’est-ce qu’enseigner ? Quelles différences entre pratiques enseignantes et pratiques d’enseignement ? Dans le cas de l’enquête PASEC, doit-on parler de pratiques enseignantes ou de pratiques d’enseignement ? D’autre part, les évaluations ont-elles pour référence les pratiques attenduesdéclarées ou constatées ?  

Enfin, la Professeure Paré/Kaboré a consacré une partie de son exposé à une question centrale : quel est l’impact de ces résultats sur les pratiques ?  



Comment les résultats de l’enquête sont-ils reçus ? 


Patrick Nkengne a quant à lui complété, en tant que responsable du programme pilotage de la qualité à l’Institut international de planification de l’éducation, le point de vue des chercheurs. Sa réflexion s’est centrée sur la manière dont les résultats sont reçus pour construire des programmes, des projets, des politiques éducatives, etc,. 



Questions du public 


Afin d’approfondir les échanges sur cette thématique, les intervenants ont accepté de répondre par écrit aux questions laissées sans réponse, faute de temps.   


1. Avez-vous regardé les compétences didactiques des enseignants en lien avec les résultats scolaires de leurs élèves ?


Patrick Nkengne : Ceci est effectivement une analyse intéressante à mener. Toutefois il faut prendre du recul pour se poser un certain nombre de questions. S’il s’avère qu’il n’y a aucune relation, quelle conclusion peut-on en tirer ? Si on voit une relation positive, cela serait-il suffisant pour en tirer une conclusion ferme ? De la même façon, si on voit plutôt une relation négative, que pourrait-on en conclure ? Au final, on voit que quel que soit le résultat d’une telle analyse, il faut véritablement être prudent dans son interprétation ; parce que entre le résultat qu’on pourrait voir chez l’enseignant et chez les élèves, il y a plusieurs facteurs intermédiaires qui peuvent venir troubler la relation. Une telle analyse doit donc plus questionner ces facteurs intermédiaires (c.-à-d. les conditions d’enseignement, les conditions dans lesquelles se trouvent les élèves, etc.). Une telle analyse ne serait donc que le premier pas pour aller vers d’autres analyses plus importantes.

2. Est-ce qu’il faut aller vers une standardisation des contenus de formation des enseignants en Afrique ?

Patrick Nkengne : Tout dépend de ce qu’on entend par contenu. Si le contenu de la formation renvoie à tout ce qui concerne les aptitudes pour un enseignant à s’adapter dans divers contextes d’enseignement OUI, on peut suggérer d’aller vers une standardisation. Par contre, si des contenus standardisés signifient prendre un ensemble de leçons prédéfinies et les imposer à toutes les écoles, à ce moment-là NON. On ne peut pas recommander la standardisation. Aujourd’hui tout montre que cette seconde option n’est pas une bonne voie à suivre.


3. Pourquoi les anciens enseignants sont-ils plus expérimentés que les jeunes ? Pourtant nous sommes à l’ère des technologies que les jeunes maîtrisent mieux pour avoir accès aux informations ?

Patrick Nkengne : Attention ici on parle de l’enseignement de base et non de l’enseignement secondaire. Il est difficile de dire si à ce niveau les enseignants se connectent au numérique pour apprendre les nouvelles connaissances. Reste aussi à voir si, même si ces enseignants en ont la possibilité, est-ce qu’ils le font vraiment. Se sentent-ils autorisés à adopter de telles initiatives. Est-ce que le système le permet (on reste quand même dans des systèmes fortement centralisés). C’est autant de questions qui peuvent aider à apporter des éléments de réponse à cette interrogation forte pertinente.


4. Entre les pratiques enseignantes et les pratiques d’enseignement, lesquelles faut-il privilégier pour un meilleur résultat ?

Afsata Paré/Kaboré : Entendons-nous bien, les pratiques d’enseignement sont incluses dans les pratiques enseignantes.

Que privilégier ? Tout dépend du contexte et des objectifs que l’on poursuit. Il est évident que la manière dont l’enseignant pratique en situation de face-à-face peut être influencée par la manière dont il s’y prépare en étant en contact avec ses collègues, le directeur, les parents d’élèves, sa fréquentation des bibliothèques, etc. Donc il est intéressant d’avoir une vision globale de la situation et habituellement on appréhende ces questions à travers des questionnaires soumis aux enseignants avant les observations de classe. Cela avait permis par exemple à la recherche OPERA de constater une influence positive des concertations entre enseignants sur la pratique d’enseignement de ces derniers en classe. Mais se préoccuper des aspects hors-classe sans aller voir comment cela est exploité en classe me semble limitatif.


5. Au-delà d’élever le niveau d’entrée ou d’attendre que les formateurs prennent de l’expérience, il faudrait peut-être se demander « Qui forme les formateurs? Comment on forme les formateurs? ​On pourrait concentrer des efforts sur le changement des pratiques pédagogiques des formateurs des formateurs. C’est un paradoxe.

Patrick Nkengne : Excellente question que je partage. On est là sur une thématique ouverte et sur laquelle il y a besoin de travailler. Ce qui est sûr, c’est que la façon traditionnelle de travailler doit bouger pour que quelque chose d’autre se passe dans les systèmes. Maintenant, bouger pour aller vers quoi ? Je crois que cela reste à définir et ça passe aussi par des propositions de solutions à expérimenter avant de valider.

Afsata Paré/Kaboré : Tout à fait, il est sans doute important de former les formateurs d’enseignants de façon pertinente et s’assurer qu’ils forment les enseignants en respectant les principes que l’on souhaite voir ces derniers mettre en œuvre avec leurs élèves.


6. La piste de réflexion mettant l’accent sur l’ancienneté et la compétence, je me demande si l’ancienneté fait fi du diplôme initial et de la formation initiale.

Afsata Paré/Kaboré : Les chercheurs du PASEC pourront sans doute y répondre. Mais pour arriver à une telle conclusion, les variables que vous citez, et bien d’autres, ont dû être contrôlées.


7. Accompagner c’est essentiel, mais pas seulement pour ceux qui sont en difficulté.

Patrick Nkengne : Tout à fait d’accord avec vous. Comme on l’a souligné durant le webinaire, même quand tout va bien, il y a besoin de faire un suivi parce que on est dans un monde en constante évolution, dans un monde changeant, et il faut pouvoir être en mesure de savoir à partir de quel moment les changements sont tels que les pratiques habituelles qui fonctionnaient commencent à ne plus fonctionner. Donc cet accompagnement et ce suivi sont véritablement essentiels à tout moment.

Afsata Paré/Kaboré : En cela on peut questionner la politique des prix d’excellence qui permettent d’investir des sommes importantes pour récompenser les plus forts en supposant que cela aura un effet d’entrainement sur les autres, les plus faibles en l’occurrence qui voudraient bien emboiter le pas, mais comment s’ils ne sont pas soutenus en fonction de leurs besoins. On devrait pouvoir réserver une partie de ces ressources d’excellence à soutenir ceux qui en ont besoin.


8. Relativement aux observations des pratiques d’enseignement, doit-on se limiter aux trois domaines cités ?

Afsata Paré/Kaboré : C’est ce que les scientifiques ont trouvé qui puisse renfermer l’essentiel de ce qui se passe entre l’enseignant et ses élèves et entre les élèves en classe. Néanmoins, on sait qu’il ne faut pas ignorer d’autres éléments tel l’organisation générale de la classe (décoration, affiche d’informations générales, disposition des tables-bancs, …)


9. Qu’entendez-vous par amélioration du niveau académique des enseignants ?

Afsata Paré/Kaboré : Il est surtout question d’élévation de leur niveau de recrutement en supposant que cette élévation signifie aussi meilleure maitrise des contenus à enseigner, ce qui serait logique dans un système éducatif. Ainsi, un certain nombre de pays passe du niveau académique BEPC (fin du 1er cycle du secondaire) au niveau baccalauréat (fin du secondaire, diplôme d’entrée à l’université). Il faut dire que dans les pays avancés les formations à l’enseignement/éducation sont des formations universitaire de type licence ou Master.


10. ​Est ce que les états ne vont pas tourner en rond quand on sait que les dispositifs de formation initiale et continue ne prennent pas en compte la didactique des disciplines en tant que sciences ?

Patrick Nkengne : A mon avis les résultats de l’étude PASEC2019 précisément indiquent qu’il faut accorder une place importante à la didactique des disciplines dans les formations. Et donc nous pensons que si les états les prennent au sérieux et engagent les réaménagement nécessaires dans la formations des enseignants, alors probablement la situation va s’améliorer.


11. ​Tester le niveau disciplinaire en mathématique et en français des enseignants est très important et dans d’autres systèmes de formation (développer la culture des disciplines). Du point de vue didactique c’est certain que le renforcement des capacités didactiques devrait être des enjeux. Maintenant il faut bien cerner cette formation didactique (De quoi parle-t-on ?)

Patrick Nkengne : Dans le rapport PASEC2019, on trouve les domaines de la didactique qui ont été évalués. L’évaluation n’a pas la prétention d’avoir été exhaustif. Et donc OUI, dans une réflexion globale pour la transformation des formations dans les pays, il y a certainement besoin de voir plus large.



12. C’est quoi avoir une connaissance de ce qu’ils enseignent ? Est-ce la maîtrise des savoirs notionnels du type académique ? Est-ce que ces connaissances ne doivent pas aller au-delà des savoirs disciplinaires académiques ? C’est-à-dire une bonne culture de la discipline ?

Patrick Nkengne : En effet ce serait mieux. C’est souhaitable en tout cas.

Afsata Paré/Kaboré : Avoir une connaissance de ce qu’ils enseignent, c’est déjà maîtriser les contenus qui sont au programme. Mais il est souhaitable en effet d’en savoir plus. Une bonne culture de la discipline, alliée à une bonne formation pédagogique et didactique aide à faire les meilleures choix possibles de pratiques en fonction du contexte en présence.


13. Permettez-moi que j’insiste: mettons l’accent sur les formateurs de formateurs ! On en trouve qui n’ont jamais posé un pied dans une école. D’autres qui utilisent les mêmes méthodes qu’ils ont subi sans rien changer même si les résultats ne sont pas satisfaisants.

Afsata Paré/Kaboré : Répétons-le : ils doivent être formés à former des enseignants !


​ 14. Y’a t-il des pratiques d’enseignement adaptées aux effectifs pléthoriques ?

Patrick Nkengne : L’enseignement en contexte d’effectifs pléthoriques et quelque chose de très discuté ces derniers temps. Le programme d’appui au pilotage de la qualité de l’éducation expérimente en ce moment une approche d’enseignement qui pourraient aider dans ces cas. Pour en savoir plus lire ici :

https://dakar.iiep.unesco.org/fr/actualites/travaux-en-groupe-des-eleves-une-reponse-aux-problemes-dapprentissage-au-niger

Mais il y a certaines d’autres travaux sur la question.


15. Convoquer les savoirs de recherche en didactique des mathématiques pour nourrir la pratique et vice versa est une avenue. Qu’en est-il dans nos institutions au regard de ce rapport ?

Afsata Paré/Kaboré : Le lien recherche-pratique doit être renforcé


16. Est-ce à dire que lorsque je forme les enseignants à l’APC, je dois utiliser l’APC ?

Patrick Nkengne : Nous vivons dans un monde où les principes de leadership sont de plus en plus recherchés. Dans ce sens, je dirais que le leadership exige ce que le leader fasse ce qu’il demande aux autres de faire. Je suis donc d’avis qu’il vaut mieux enseigner avec la proche APC quand on veut que les personnes qui suivent la formation appliquent également l’approche APC dans les classes. Ce n’est qu’un avis.


17. Est-il indiqué d’intégrer dans la formation des formateurs, des jeunes nouvellement sortis de la même école? C’est-à-dire qu’ils sortent de l’école et l’année d’après, ils sont enseignants dans cette école.

Patrick Nkengne : Sur le principe on dira que ce n’est pas indiqué. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les décideurs gèrent des réalités concrètes et non des principes. Confrontés au besoin d’atteindre des objectifs fixés tout en tenant compte d’un ensemble de contraintes et qui s’oppose à lui, il peut parfois être amenés à faire des choix qui sans explications pourraient paraître irrationnels, mais qui sont exigées par les réalités du moment. C’est pourquoi il est important de documenter les décisions que l’on prend afin de permettre une traçabilité et un suivi.

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