Membre du conseil scientifique d’APPRENDRE, Abdelkader Galy est enseignant chercheur à l’Université de Niamey. Il anime également au Cabinet du Premier Ministre la Cellule chargée de l’appui et du suivi du programme sectoriel de l’éducation et de la formation. Avant cela, il a été responsable du Campus Numérique francophone de Niamey et de Dakar. Il revient dans cet entretien sur les perspectives d’avenir pour le monde de l’éducation et sur les enjeux et les impacts du programme APPRENDRE 


1. Pourquoi avoir accepté de faire partie du conseil scientifique du programme APPRENDRE? 

Dans ma mission, la recherche des opportunités de renforcement de nos systèmes éducatifs est une quête permanente. Apprendre est venu à point nommé au moment où dans tous nos pays, la question de la qualité de l’éducation est devenue la préoccupation centrale. Elle dépend dans une large mesure de la capacité des enseignants à aider les élèves à devenir, comme dirait Louis Vandevelde. 


2. En quoi APPRENDRE se démarque-t-il d’autres programmes ? 

Apprendre se démarque de tous les programmes que j’ai connus sur deux points principalement: 

  •  Il a été conçu sur la base des résultats de recherches sur le terrain et en Afrique. Le programme Opéra a montré en quoi l’absence de pratique professionnelle des enseignants est dommageable quant à la qualité des enseignements-apprentissages. Puis Opéra a montré les attentes et les démarches qui permettent de prendre en compte les besoins en termes de renforcement de capacité pour que les enseignants se professionnalisent donc deviennent efficaces et naturellement les élèves deviennent compétents.  
  •  Le programme n’est pas un projet conçu au Nord et mis en œuvre au Sud. APPRENDRE propose au Sud de s’organiser pour co-construire le projet selon ses propres besoins. Un pays peut avoir des besoins différents d’un autre. Avec APPRENDRE les deux restent éligibles. Il n’y a pas d’exclusion liée au confort du programme. Il y a plutôt une flexibilité qui permet une multiplication d’opérations de renforcements de capacités adaptées à chaque contexte

3. Quelles sont vos missions en son sein ? 

Membre du conseil scientifique, je participe aux réflexions sur le comment car le pourquoi est déjà réglé à travers le bien fondé du projet qui est un appui. Le conseil scientifique dans son ensemble réfléchit sur les meilleures pistes pour permettre aux pays de s’exprimer sur leurs besoins, pour que ces besoins soient traduits en activités d’appui, pour que la mise en œuvre de l’appui soit optimale en cherchant les meilleures compétences et en évaluant chaque action pour l’améliorer. APPRENDRE comporte plusieurs volets car outre l’appui aux praticiens, il y a l’appui à la recherche et le suivi de l’appui à la recherche. APPRENDRE organise aussi des séminaires afin de mettre en commun les expériences, les bonnes pratiques et les meilleures stratégies. Je participe à cette dynamique avec tous les membres du Conseil Scientifique. Ce dernier, pour être efficace, met en place un système d’organisation (les groupes thématiques) afin d’être en phase permanente avec les acteurs de terrain


4. Selon Jaime Saavedra, directeur pour l’Éducation de la Banque mondiale, « la scolarisation n’est pas l’apprentissage. » Etes-vous d’accord avec cette déclaration ? 

Oui, si on considère que les 30% d’élèves de la classe de 6ème sont exclus au Niger dès la première année. Ils sont scolarisés mais n’ont pas appris ce qui leur aurait permis de continuer leurs études. Ceux qui arrivent en classe de troisième échouent à 70% au Brevet d’études du premier cycle. Sur le plan statistique volet « accès » ils augment le taux brut de scolarisation. Sur le plan de la qualité, l’apprentissage fait défaut. On aboutit à un gâchis de ressources et d’énergie. Apprendre veut contribuer à corriger cela en se focalisant sur les enseignants. 


5. Sur quels leviers les pays émergents et en développement peuvent-ils s’appuyer pour offrir une éducation de meilleure qualité ? 

Pour offrir une éducation de qualité, les leviers sont connus. Il faut des classes, des enseignants bien formés, bien rémunérés, des filières porteuses et permettant de déboucher sur un emploi. Tout cela manque dans tous les pays et les choix sont douloureux. Au Niger par exemple le temps scolaire (temps que l’enseignant passe avec ses élèves) pose problème à cause des classes en paillottes qui sont édifiées en retard et qui ne résistent pas aux premières pluies. Le temps que passent les enseignants pour accéder à leur salaire fait chaque mois perdre des jours d’apprentissage aux élèves. Si on ajoute le faible niveau des enseignants, on a une somme de problèmes à résoudre en même temps et sans ressources suffisantes. N’oublions pas aussi que la langue d’apprentissage est primordiale et que dans la plupart des pays cette question reste en suspens. Le meilleur des leviers est le levier politique qui détermine les priorités et la marche à suivre avec les moyens appropriés.  


6. Quelles sont les solutions concrètes pour améliorer les pratiques enseignantes ? 

Les solutions varient selon les pays. Le niveau de salaire, sa régularité, la stabilité dans les établissements, le dialogue avec les partenaires, l’existence de matériel didactique sont des conditions de base qui permettent à une bonne formation des enseignants d’optimiser les apprentissages des élèves. 


7. Le programme vient d’ouvrir les inscriptions au MOOC CERTICE scol, qui vise à développer les compétences numériques des équipes éducatives. A votre avis, quel peut être le rôle du numérique dans la transformation de l’éducation dans les pays émergents ? 

La crise de la Covid-19 a vu la fermeture des écoles entre autres. La seule manière d’assurer la continuité pédagogique est l’usage non pas du numérique seul mais de l’enseignement à distance qui peut avoir comme supports, la radio, la télévision, le numérique et le hard en papier). Le numérique a permis dans les pays du Nord de faire face à la continuité pédagogique parce que dans une certaine mesure, il y a l’accès, les contenus, et les outils disponibles pour une bonne partie de la population scolaire. Les possibilités d’accompagnement par les parents ont aussi été mises à contribution.  

Dans les pays africains en particulier, le numérique s’il n’est pas contextualisé risque de creuser l’écart entre les milieux urbain et rural à cause du faible taux de pénétration des technologies. L’Afrique a donc un autre grand défi à relever pour se préparer aux autres chocs futurs. Il lui faut préparer les conditions de l’usage du numérique 


8. Selon vous, l’impact d’APPRENDRE sur les politiques éducatives est-il déjà tangible ? 

Oui avec un seul exemple : lorsque la crise de la Covid-19 est apparue et que les écoles eurent été fermées les différents pays ont demandé l’appui d’Apprendre pour offrir des perspectives de continuité pédagogiques avec plus ou moins de réussite. Un webinaire qui a regroupé un certain nombre d’acteurs des pays a permis de mettre en évidence la nécessité d’élaborer des politiques incluant l’usage du numérique.   

Avec l’appui d’APPRENDRE, les politiques de formations des enseignants dans plusieurs pays sont en train d’évoluer avec souvent l’évaluation des enseignants comme porte d’entrée. Cela était inconcevable il y a une dizaine d’années. 


9. Quels sont les projets du Conseil scientifique pour 2020 ? 

Dans le pipeline de 2020 on peut noter : 

–        La continuité du suivi des projet de recherche en éducation 

–        L’organisation d’un prix de la recherche en éducation 

–        L’inventaire des thèses en éducation en Afrique 

–        Divers soutiens aux projets des pays qui ont élaborés des plans d’actions approuvés par Apprendre. 


Les Groupes thématiques continuent leur travail d’élaboration de stratégies adaptées et adaptatives afin de faire face aux nombreux défis et aux nombreuses sollicitations des pays tellement les besoins sont immenses.  

Ce programme de 2020 n’est pas exhaustif et sera mis en œuvre en s’adaptant à ce que permet la crise de la Covid-19. 

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