Deux ateliers de formation se sont déroulés entre octobre et novembre 2022, à Douala et à Yaoundé, au Cameroun. Dr. Yolande Kamaha épouse Tatchum et M. Michel Abassa, experts-relais nationaux, ont formé des formateurs et superviseurs pédagogiques francophones et anglophones à la conception d’outils et d’activités de remédiation en lecture-écriture, à partir de l’analyse diagnostique des difficultés des élèves et des pratiques enseignantes. Jean Emile Gombert, expert du Groupe Thématique d’Expertise (GTE) 5 « Apprentissage de la lecture et langues d’enseignement », a appuyé les préconisations des experts en apportant des éclairages scientifiques.

Selon le rapport du PASEC (2019), le Cameroun figure parmi les 10 pays dont la majorité des élèves se situe sous le seuil de compétence en langue, soit 60,6%. Le système éducatif camerounais, comme la quasi-totalité des systèmes éducatifs d’Afrique subsaharienne, est caractérisé par la coexistence de plusieurs langues nationales (environ 230) où le français et l’anglais ont un statut de langues officielles. Le début de scolarisation qui se fait donc très tôt en français ou/et en anglais pose d’énormes difficultés d’apprentissage pour la majorité des enfants car il faut parfois tout réapprendre en français ou en anglais. En effet, ces deux langues présentent des différences significatives par rapport aux langues locales (récemment transcrites dans l’alphabet latin pour certaines et dont la transcription est en cours pour d’autres) notamment en ce qui concerne la transparence des correspondances graphèmes-phonèmes.

Depuis 2011, l’initiative ELAN-AFRIQUE a introduit dans quelques écoles publiques l’enseignement multilingue avec les langues ewondo, duala, bassa, fufuldé et gho’malah. Les apports de cette expérience montrent qu’en commençant la scolarité dans sa propre langue, l’enfant acquiert et développe plus facilement les mécanismes d’apprentissage de la lecture en L1 et opère ensuite des transferts dans la langue d’enseignement (L2).

Les problèmes d’enseignement de la lecture, de l’écriture et de « l’entrée dans la culture de l’écrit » en français (ou en anglais dans les régions anglophones) pour des enfants ne maîtrisant pas, ou pas suffisamment, cette langue d’enseignement, est à l’origine d’une part notable des difficultés des apprenants.

L’autre difficulté qu’a soulignée le projet IFADEM en 2017, est l’insuffisance et l’irrégularité du développement des compétences professionnelles en langues d’enseignement en formation initiale et continue des enseignants et superviseurs pédagogiques.

En 2022, le Ministère de l’Education a sélectionné deux experts afin de construire des parcours de formation destinés aux cadres de l’éducation du Cameroun. Après avoir suivi une formation dans le cadre des activités du GTE 5, Yolande Kamaha épouse Tatchum et Michel Abassa mettent désormais en œuvre les modules qu’ils ont conçus.


Identification et analyse des types d’erreurs observées à l’oral, en fluence de lecture et en écriture


En amont du premier atelier qui s’est déroulé du 17 au 21 octobre 2022, les deux experts-relais ont mené des évaluations auprès d’un échantillon d’élèves de 4éme année primaire (CE2) et d’enseignants, afin d’identifier les types d’erreurs et difficultés rencontrés lors des séances d’enseignement-apprentissage de la lecture-écriture. Les élèves ont été évalués sur trois éléments constitutifs de la lecture-écriture à savoir : l’oralité, la fluidité et l’écriture.

Des déplacements ont été effectués dans les régions centres et littorales du Cameroun (zones urbaines et semi-urbaines) ; soit 2 régions sur 10. Des évaluations ont été menées dans les 8 régions restantes lors de l’inter-sessions.

Le premier atelier a permis de parcourir, avec les 40 formateurs et superviseurs pédagogiques, le test conçu par le Groupe Thématique d’Expertise 5, en vue de son appropriation. A la suite de cette première rencontre, les participants ont en effet fait passer le test à des élèves de différents niveaux du primaire, et cela dans leurs régions respectives, afin de compléter l’enquête.

Une enquête qui, selon Jean-Emile Gombert, permet plusieurs constats :

“Les résultats des évaluations menées au Cameroun dans les dix régions révèlent des situations comparables indépendamment de la langue officielle de la région. Les épreuves orales sont très largement réussies (généralement à plus de 80%) et les épreuves écrites sont échouées par la plupart des élèves. Si quasiment aucun élève ont une compréhension même imparfaite en lecture, rares sont également ceux qui arrivent à décoder les mots et encore plus rares à lire de façon fluente (il faut toutefois prendre en compte que 16 élèves ont été testés dans chaque région – parfois 16 de chacun des 3 niveaux – ce qui ne permet pas de conclusion définitive).

Plusieurs régions ont filmé des séquences en classe. Ces enregistrements révèlent souvent des problèmes de formation chez les enseignants filmés, alors que classiquement ceux qui sont choisis par les cadres pour être filmés ne sont pas les plus en difficulté. La formation (initiale et continue) des enseignants est sans doute la voie prioritaire pour l’amélioration de la situation.”


Conception d’activités de remédiation aux difficultés précédemment identifiées


Lors du second atelier, les participants ont fait état des résultats des évaluations réalisées pendant la période d’intersession, ce qui a permis d’enrichir le premier document d’analyse diagnostique. C’est en partant des erreurs collectées que les encadreurs ont conçu des activités de remédiation visant à améliorer l’identification des mots, la fluence de lecture et la compréhension.

Des apports théoriques ont complété la formation : Jean Emile Gombert a rappelé les bases de l’apprentissage de la lecture-écriture, les manières dont l’enfant apprend à lire, ainsi que les prérequis de la compréhension. Michel Abassa a de son côté porté l’attention des participants sur les différentes stratégies de remédiation, l’écriture, ainsi que l’importance d’un enseignement explicite de la compréhension. Après avoir présenté le document d’analyse diagnostique des difficultés des élèves et des enseignants, Yolande Kamaha/Tatch. s’est quant à elle penché sur thématique de la lecture et l’écriture dans toutes les disciplines scolaires.




Au terme de la formation, un document répertoriant une riche variété d’exemples d’activités de remédiation à proposer aux enseignants a été produit. Les recommandations s’articulent autour de 6 axes : 

  • Identifier les mots 
  • Développer la compréhension 
  • Préparer « l’entrée en littérature » 
  • Lire pour apprendre 
  • Lire à l’heure du numérique 
  • Prendre en compte la diversité des élèves

Ont également été finalisés des fiches d’analyse qualitative et quantitative des difficultés identifiées chez les élèves et les enseignants dans toutes les régions du Cameroun.

Actualités récentes

L’inclusion en éducation : quatre questions pour agir 

L’inclusion en éducation est au cœur de nombreuses préoccupations, mais qu’est-ce que cela signifie réellement?  Comment la définir concrètement? Et surtout, comment faire pour que chaque enfant, quelle que soit sa situation, puisse apprendre dans de bonnes conditions. Dans ce court article, Dominique Hébert, experte du programme APPRENDRE, propose quatre questions clés pour mieux comprendre l’inclusion scolaire et ainsi faire un pas de plus vers une école plus inclusive. Votre avis compte : un court sondage vous attend à la fin de l’article pour partager votre point de vue sur l’inclusion scolaire.

République centrafricaine : Appui à la formation des Directrices et Directeurs d’établissement 

Du 21 au 26 septembre 2025, APPRENDRE a mené une mission d’appui technique à l’École Normale Supérieure (ENS) de Bangui. L’objectif principal de cette intervention était de former l’équipe pédagogique et de co-construire un document de référence pour garantir la qualité et la cohérence du dispositif de formation des futurs personnels de Direction de l’Enseignement Secondaire (PDES).

Djibouti : Imaginer l’école de demain grâce aux Journées Nationales de l’Innovation et de la Recherche-Action  

Les Journées Nationales de l’Innovation et de la Recherche-Action (JNIRAC), organisées par le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFOP) en partenariat avec le programme APPRENDRE, se tiendront les 5 et 6 octobre 2025 à Djibouti. Cet événement réunira chercheurs, enseignants, formateurs, décideurs et partenaires internationaux pour faire dialoguer recherche académique et expériences de terrain, produire des connaissances adaptées aux besoins du pays et renforcer la communauté éducative nationale dans son ouverture aux réseaux internationaux. L’intégralité de l’événement sera enregistrée et disponible sur la chaîne YouTube du programme.