Les conditions de développement de la motivation intrinsèque des enseignants reste un champ d’investigation théorique relativement peu développé en Afrique subsaharienne. Afin d’accélérer la recherche sur l’entrée et le maintien des enseignants dans le métier, le programme a lancé en 2021 un 4ème appel à projets de recherche en éducation. Parmi les projets sélectionnés : une recherche portée par l’Université de Lomé, mobilisant à la fois le Togo et le Niger. Démarré en septembre 2022, le projet a pour objet de déterminer si l’implication d’enseignants stagiaires dans des classes d’accueil menant des innovations centrées sur l’apprenant les poussent à poursuivre leur carrière. Après avoir mené une première enquête auprès de 100 élèves maîtres, l’équipe dévoile aujourd’hui les résultats du questionnaire. 

Coordonnée par le Professeur Amouzou-Glikpa, l’équipe de recherche est composée de : 

  • Idrissa Moussa, Directeur des Études à l’Ecole Normale d’Instituteurs Saadou Galadima de Niamey (ENI) 
  • Rakia Mahamane India, Formatrice à l’Ecole Normale d’Instituteurs Saadou Galadima de Niamey (ENI) 
  • Sankardja Gounyanani Kpandja, Directeur de l’ENI de Dapaong 
  • Paka Tanang, directeur de l’ENI de Notsé 
  • Brian Begue, Consultant/Analyste Politique publique et accompagnement au changement (secteur éducation de base) à l’Institut International de Planification de l’Éducation (IIPE-UNESCO) 

Pourquoi le Niger et le Togo ? 


Pour l’équipe de recherche, il s’agissait de cibler deux pays en raison d’un « déjà-là » significatif en matière d’implication d’enseignants dans des dispositifs innovants.  
 

Le Niger dispose d’une expérience dans la mise en place d’ateliers de micro-enseignement tutorés (AMET) inspirés de l’enseignement mutuel, dans l’ENI de Niamey, et dont une réflexion est en cours d’élaboration avec les autorités du Ministère de l’Enseignement Primaire (MEP) pour envisager l’extension de cette démarche au sein de cette ENI puis aux autres ENI du pays.   
 

Le Togo a, quant à lui, l’expérience d’un appui à la mise en place de techniques de pédagogie active (TPA) avec l’appui du Centre International de Pédagogie Active (CIPAC), et qui a associé pour cette expérimentation différents collectifs d’ENI afin d’opérationnaliser et développer en autonomie ces techniques dans les classes togolaises.  
 

Le projet de recherche s’appuie donc sur ces deux contextes afin d’une part, pousser la réflexion sur la mise en place d’une intervention visant à faciliter l’insertion d’enseignants stagiaires au sein de ces innovations et des collectifs apprenants déjà institués, et d’autre part, documenter l’effet de cette implication sur leur entrée dans le métier.   

Deux hypothèses principales guident la recherche :  

  • l’implication des enseignants stagiaires dans ce type de dispositifs innovants constitue une condition favorable pour le développement de leur motivation intrinsèque au travail car elle contribue au développement d’un agir professionnel en phase avec l’exercice réel du métier c’est-à-dire la prégnance de classes hétérogènes à effectifs pléthorique
  • ces éléments de motivation intrinsèque conduisent les enseignants concernés à développer une satisfaction professionnelle ayant un effet significatif sur leur entrée et leur volonté de rester dans le métier. 

Analyser le parcours de 100 élèves maîtres 


Les équipes de recherche nigériennes et togolaises suivront 100 élèves maîtres (50 enseignants au Niger et 50 enseignants au Togo) au cours des deux premières années de leur entrée dans le métier.  
 

Parmi les classes d’accueil choisies, une partie des élèves maîtres à l’expérience de la mise en place d’innovations organisationnelles (dispositifs AMET et TPA). Une autre partie des élèves maîtres fera l’expérience de classes pilotées selon le format généralisé de la classe dialoguée. Ce choix méthodologique va permettre de mettre en place une approche comparative de l’entrée dans le métier selon les caractéristiques du terrain d’application (classes d’accueil des élèves maîtres, selon les conditions « innovantes » ou « classiques »).  



Pourquoi devenir enseignant ? Résultats d’une première enquête 


En novembre 2022, un premier questionnaire a été confié aux enseignants. En voici les résultats.


Question n°1 : Pourriez-vous nous dire en quelques mots quelles ont été vos motivations pour entrer dans le métier d’enseignant ? 


Commentaires de l’équipe de recherche : Il est à noter le fort taux de motivations intrinsèques liées à une vocation d’enseigner et de former les futurs citoyens (97% des répondants). On distingue toutefois deux différences entre les deux pays, avec 14% d’intérêt pour une promotion sociale au Niger et 42% de motivation liée à une mission éducative et transformatrice de la société, qui prend pour cette dernière une valeur un peu moindre au Togo au bénéfice d’une part plus grande pour une vocation éducatrice. 




Commentaires de l’équipe de recherche :

On retrouve dans le sous-groupe Niger/AMET l’émergence de la valence de promotion sociale identifiée plus haut pouvant de fait représenter le risque d’un biais dans la constitution de l’échantillon d’entrants dans le métier. Toutefois, les acteurs concernés au Niger (6 sur 7) évoquent notamment la noblesse du métier ce qui au final peut être associé à un des éléments d’un vocation d’enseignant.  

En conclusion, les 4 sous-groupes de l’échantillon semblent relativement homogènes quant à l’expression de leur motivation à entrer dans le métier. La double dimension éducative et transformatrice de la société est globalement très dominante.  



Question n°2 : Avez-vous une expérience professionnelle antérieure et si oui laquelle ?  


Commentaires de l’équipe de recherche :

Le recrutement et la situation statutaire des entrants dans le métier sont très différents dans les deux pays. Au Niger les élèves-maîtres des deux sous-groupes sont majoritairement nouveau dans le métier (88% sans expérience professionnelle antérieure) tandis qu’au Togo, l’État a recruté sur concours des anciens enseignants volontaires ayant le CAP (48%) ou une expérience professionnelle de l’enseignement (30%). On peut donc faire l’hypothèse que ces personnels néo-titulaires au Togo ont une meilleure lisibilité sur le déroulé de leur carrière et les réalités du terrain des écoles que les élèves-maîtres du Niger.  


Commentaires de l’équipe de recherche : Au Togo comme au Niger les deux sous-groupes semblent suffisamment homogènes.  



Question n°3 : À ce stade de votre entrée dans le métier, comment vous projetez-vous dans ce métier ? 


Commentaires de l’équipe de recherche : Globalement, cette question souligne le caractère positif dominant d’une projection dans le métier, avec un nombre significatif d’acteurs d’ores et déjà impliqué dans une dynamique professionnelle bien que la question financière soit déjà présente, y compris pour financer les déplacements nécessaires pour rejoindre le centre de formation au Niger. Au Niger, et dans une moindre mesure au Togo, on note une approche résolument positive (72%), tandis que des questions liées au déroulement de la carrière émergent d’ores et déjà dans les réponses du Togo (18%). Ces questions recouvrent la volonté de monter dans les échelons, de faire une carrière complète et d’une évolution dans la carrière, enfin plus marginalement une inquiétude quant à la perception du salaire. Une autre donnée est à prendre en compte : le taux de non réponse (13%) car cela peut cacher des inquiétudes non verbalisées. On pourrait ainsi identifier ces participants et revenir vers eux ultérieurement, par exemple après les premiers stages d’immersion au Niger, pour allonger spécifiquement le questionnaire. 


Commentaires de l’équipe de recherche : Les deux sous-groupes au Togo sont globalement suffisamment homogènes.  



Question n°3 : Y-a-t-il des difficultés que vous allez ou avez déjà rencontrées ? 



Commentaires de l’équipe de recherche : Au Togo, les pratiques de classe avec des difficultés d’ores et déjà ciblées (42%) apparaissent dans les réponses (Difficultés à gérer la classe (effectif pléthorique), liées à la langue de l’enseignement et aux enseignements de lecture/écriture, à la co-éducation, au niveau des apprenants, à gérer le temps des apprentissages ou encore la préparation de la classe) et le plus souvent multi-factorielles (plusieurs difficultés identifiées). Le manque de formation et de dotation matérielle vient en deuxième inquiétude (26%). Enfin, la question du logement est également posée (6%). Au Niger, si la question des déplacements vers le centre de formation est déjà très sensible (28%) les difficultés plus liées au fonctionnement de l’école ne sont pas anticipées (54%). 



Commentaires de l’équipe de recherche : Au Togo, les deux sous-groupes semblent relativement homogènes bien que la question du logement soit surreprésentée dans le groupe de Notsé. C’est un point de vigilance qu’il faudra avoir par la suite. 



Question n°4 : Quelles sont les questionnements que vous aimeriez nous partager concernant votre entrée dans le métier ? 



Commentaires de l’équipe de recherche : Les questions sur le concret du métier sont dominantes (64% au Togo où les néo-titulaires sont en poste et 36% au Niger) tandis que le cursus de formation interroge sensiblement les élèves-maîtres du Niger (16%) ainsi que les questions de carrière (36%). 



Commentaires de l’équipe de recherche : Au Togo le sous-groupe de Notsé semble davantage préoccupé par les questions de pratiques scolaires (76%), tandis que le sous-groupe de Dapaong (TPA) semble légèrement plus préoccupé par des enjeux statutaires (24%).  

Au Niger, les deux sous-groupes semblent relativement homogènes, avec peut-être un questionnement plus grand sur le cursus de formation initiale chez les participants aux AMET.  



Question n°5: Quelles sont les attentes que vous auriez envers votre employeur c’est-à-dire l’état ? 


Commentaires de l’équipe de recherche : Les attentes entre les enseignants des deux pays sont sensiblement différentes : au Togo les questions de formation continue et d’accompagnement de proximité sont centrales tandis qu’au Niger les conditions d’affectation et d’exercices du métier sont interrogées. De nouveau les différences de statuts jouent dans ces considérations, ce qui permet d’anticiper la nature des facteurs qui permettent selon son statut d’envisager plus ou moins sereinement son entrée dans le métier d’enseignant.




Commentaires de l’équipe de recherche : De nouveau les sous-groupes intra-pays sont relativement homogènes.  



Question n°6 (optionnel) : À ce stade, quelles sont les informations que vous souhaiteriez avoir sur ce projet de recherche auquel vous allez participer dans le cadre de votre année de stage (Niger) ou dans le cadre de votre entrée directe dans le métier (Togo) ? 



Commentaires de l’équipe de recherche : 60% des participants nous interroge sur la recherche-action. En annexe une proposition de poursuite du dialogue avec les 100 participants par l’intermédiaire d’une note complémentaire d’infirmation. Par ailleurs les élèves-maîtres du Niger prolongent leurs questionnements sur la formation et leur affectation.  



Commentaires de l’équipe de recherche : Le sous-groupe de Notsé semble questionner les conditions de leur affectation tandis que les deux sous-groupes du Niger restent homogènes. 


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